samedi 27 novembre 2010

Condensé de croissance chinoise

Ne nions pas l'aspect vertigineux que prend le nombre 10 avec le symbole ''%'' lorsqu'il s'agit de croissance du PIB annuellement. Alors qu'il est autour et rarement supérieur au chiffre 2 pour l'Europe, le taux de croissance du PIB chinois donne le tournis. C'est ce que nous entendons à satiété : «La Chine est une championne de la croissance. La Chine est en plein développement. L'usine du Monde…» Également mentionne-t-on souvent la pollution cauchemardesque de la Chine, sa consommation énorme de pétrole, de ciment, de charbon etc. Le lien de causalité qui existe entre développement économique effréné et pollution monstre de l'environnement est élémentaire et est vécu partout depuis la toute première révolution industrielle. Cependant ce dont on parle rarement dans les reportages ou les articles sur la croissance chinoise c'est du coût relatif de cette élévation de leur richesse nationale. En fait ce qu'on nous dit moins souvent c'est que les Chinois paient très [trop] cher leur développement économique et les moyens préconisés pour arriver à la prospérité sont de lourds compromis aux conséquences parfois irréversibles. La Chine utilise de dangereux raccourcis à la croissance notamment avec le contrôle de sa monnaie et en misant beaucoup sur sa force première : sa grande démographie.


Monnaie talks

Les violons des grandes puissances commerciales résonnent ainsi (à quelques mots près) : «La Chine joue une concurrence déloyale en gardant le yuan artificiellement bas ce qui rend ses produits plus attrayants sur les marchés, ce qui boost ses exportations etc…». En effet, une monnaie à valeur basse rend les produits moins chers s'ils sont achetés avec des devises étrangères (qui valent plus cher) et c'est le choix de politique économique qu'ont fait les autorités chinoises en fixant la monnaie à une valeur précise libellée en dollar. La médaille cache, bien entendu, son revers : les importations vers le territoire chinois. Ce n'était pas ''caché'' pour les Chinois. Par décision consciente des autorités, il était convenu que pour motiver les exportations du pays, donc stimuler l'emploi, le développement industriel, les investissements étrangers et ainsi de suite, il fallait adopter une politique favorable malgré qu'elle puisse avoir un contrecoup. Certes, la Chine exporte, mais cet output n'a pas été créé avec du vent…la Chine a dû importer les matières premières. Or elle achète ces matières en devises étrangères, elle les paie donc PLUS cher parce que sa monnaie est PEU élevée : elle perd donc au change en les achetant à relativement fort prix. La Chine espère donc que ce qu'elle sortira de ses usines aura une plus-value supérieure à cette perte réelle qu'elle a subie en important les inputs de l'étranger. C'est très souvent le cas et c'est le pari qu'elle a accepté de faire, cependant, à valeur réelle et honnête de sa monnaie, la Chine aurait généré plus de richesse en bout de ligne, mais aurait risqué de vendre moins de ses produits usinés sur les marchés mondiaux. La Chine ne peut se permettre ce risque. Son peuple a goûté aux fruits de la croissance et les vives tensions sociales menacent de faire chuter le gouvernement et son paradigme absolutiste. Qu'adviendrait-il si des millions de travailleurs des usines chinoises seraient remerciés à cause d'une chute brutale des exportations? La politique monétaire de la Chine est en fait un choix malicieux qui repose sur des desseins de cohésion interne. Donc par souci de conservation du pouvoir, le régime communiste actuel, en quelque sorte et indirectement, fait payer relativement plus cher aux Chinois leur croissance.


Combustion incomplète

Analogie : Un four à bois dit efficace dégage davantage de chaleur pour une même quantité de bois qu'un feu de foyer en plein air. C'est en fait ce qui ce passe avec les économies développées d'un côté et l'économie chinoise de l'autre. Les rendements comparés d'une tonne de charbon aux États-Unis, en Europe, au Japon et en Chine montre que la Chine est loin derrière. C'est classique dirait-on. On pouvait s'attendre à ce qu'un pays en développement comme la Chine ait moins de rendement industriel sur une même quantité d'input, mais ce qui est préoccupant pour la Chine c'est l'échelle avec laquelle cette même tonne de charbon est mal consommée. Imaginez-vous la totalité de la côte d'un grand pays comme la Chine tapissée d'usines qui utilisent cette tonne de charbon de façon inefficace pour produire un bien de consommation et répéter l'expérience avec une tonne de ciment, d'acier…DE PÉTROLE…C'est en fait encore une décision politique qui est prise ici, celle du développement rapide. La Chine est certes en apprentissage industrielle, mais cette leçon imposée de développement économique se vit sur la totalité du territoire et souvent avec les moyens du bord occasionnant des pertes énorme, en masse et partout. C'est ce qui fait en sorte qu'un point de pourcentage de croissance économique chinoise est en fait plus coûteux pour les Chinois que le même point de croissance dans une économie développée. Multiplions ce point de croissance par 10 pour les besoins de la démesure chinoise et du ''tout et maintenant'' des impératifs de la croissance aveugle. Voilà la perte chinoise.

Il n'est pas clairement établi que l'utilisation de la main d'œuvre abondante en Chine pour effectuer diverses tâches soit en fait responsable de l'allocation non optimale des ressources de production. Il faudrait faire la comparaison de la productivité dans les pays industrialisés versus celle de la Chine, mais ce n'est pas le but de l'exercice. Cependant, ce qui a été décrit plus haut concernant les travailleurs chinois versus la stabilité de l'État est toujours vrai, c'est-à-dire que leur implication à grande échelle dans le travail industriel oriente les politiques vers la nécessité d'une croissance pour la paix sociale. Donc la Chine améliore son sort et implique sa population comme otage et bénéficiaire du développement et c'est sans pédale de frein de que le gouvernement est obligé d'opérer.    

Paul L’Ussion

La Chine est malade. Diagnostique : monomanie de la production. Symptome : fièvre d'exportation.  Cette manie se vit au détriment de la santé des Chinois. C'est un triste sort que l'on réserve aux cours d'eau, au sous-sol, aux terres cultivables et à l'air que l'on respire. L'obsession des rendements est telle et le besoin compulsif d'accéder à la richesse est si grand que le souci de l'habitat humain s'est, en fait, complètement oblitéré de la conscience chinoise. L'environnement est ici le fort tribut que la Chine a choisi de payer aux dieux du ''progrès''. La souillure tous azimuts de la nature est la preuve ultime que la Chine paie bien trop cher sa croissance économique. Ce sont les générations futures qui devront débourser pour nettoyer les dégâts et c'est un coût non comptabilisé de la croissance, car c'est un coût indirect et différé, mais il est réel!


Respirez la Chine

Certaines voix s'élèvent en Chine pour que l'on réglemente en matière de protection de l'environnement et que l'on arrête ce laisser-faire. D'autres journalistes plus ingénieux encore, demandent que les pays étrangers imposent une surtaxe aux produits chinois, car leur prix n'inclut pas le coût de production externe sur l'environnement de la planète. Nous comprenons bien que ces mesures peuvent être vues en Chine comme étant discriminatoires envers les produits chinois, mais c'est ici que la Chine doit agir et profiter de cette occasion pour innover et structurer son industrie pour qu'elle soit efficace et plus propre. L’opinion des Chinois aujourd’hui est que l’Angleterre et les États-Unis ont vécu leur industrialisation avec des barèmes de pollution quasi inexistants à l’époque et qu’eux, Chinois, ont aussi droit au développement. Bien entendu, la fée modernité brille pour toutes les nations, cependant la Chine devrait prendre conscience qu’elle a le choix et retire plus de richesse à se développer de façon plus propre.


La Chine est un dilemme proprement dit. Ses choix économiques sont unidirectionnels et sont garants d’une stabilité sociale temporaire. Cette motivation première pousse en fait la Chine à adopter une politique de croissance dite à deux chiffres et cela même si cette croissance lui coûte beaucoup plus cher qu’ailleurs (25% plus cher en 2009). Le peuple chinois peut ainsi se targuer que leur nation est une puissance économique, mais en vérité c’est une ogresse qui fume, qui tousse, qui boite et qui paye cher de sa santé pour courir plus vite. Sans doute la Chine accèdera au rang des nations avancées plus vite que les spécialistes le prédisent, car c’est un pays au grand potentiel humain…mais le prix payé n'en vaut certainement pas la peine.      

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