mardi 30 novembre 2010

Suzanneries - Part V[engeance]

Adopted with Vendetta Syndrome
Give Suzan a chance

«C'est ce qui maintenant m'amène à vous parler d'un sujet très difficile pour moi : l'adoption.» avait dit Suzan, trémolo dans la voix, aux gens réunis à l'église pour les funérailles de son père : Granpapapaul. Suzan était douée pour les récits poignants, violon de la pitié qu'elle a toujours maîtrisé. L'assistance n'avait pas nécessairement les larmes aux yeux à cause de la mort de Granpapapaul, mais à cause des mots de Suzan, bien choisis, vrais, trop amers. C'était en effet en 1956 que Suzan avait été adoptée par un Granpapapaul, pompier adulé de Lachine, et par une Aiglantyne, tortionnaire des toutes premières souffrances suzanesques.

Comme l'avait remarqué plusieurs personnes, Suzan était en peine d'amour depuis sa naissance. «Môman, ahl'a entrepris des démarches pour retrouver sa vraie mère» racontait Suzan à Faniev et Piayeluc emplis de sympathie. Les découvertes nostalgiques de Suzan l'avaient menée sur ses vérités fondamentales, vérités encore plus tristes parce qu'elles semblaient en fait plus confortables que sa situation affective actuelle. Suzan était en fait originaire de la région de Québec. À sa naissance, elle avait été nommée Diane par sa mère qui était amoureuse d'un homme plus jeune qu'elle. Suzan affirmait simplement avoir été conçue dans l'amour, mais qu'à l'époque de sa naissance subsistaient encore beaucoup de tabous concernant la procréation hors mariage. Peut-être le plus douloureux et le plus dur à accepter pour Suzan, c'était de se faire dire que sa mère venait s'occuper d'elle à l'orphelinat, venait la nourrir, la bercer. Puis vint «le rejet», l'abandon. Voilà ce qu'était le tout premier et le plus grand drame de Suzan.

La petite Suzan avait eu la chance de tomber dans une bonne famille. «Yh sont v'nus me chercher, mais Yh m'ont jamais donné d'amour» murmurait souvent Suzan. Dévote et obsédée par les apparences, Aiglantyne avait adopté un deuxième enfant en la jeune Suzan parce qu'il fallait une petite fille assortie au petit garçon déjà adopté : le jeune Mononkpiaye. Le premier défaut de Suzan dans cette situation fut d'être l'opposée de Mononkpiaye, un jeune garçon modèle, poli, travaillant, calme, valeureux, habile de ses mains, honorant ses parents. On avait que des mots pour le jeune Mononkpiaye…Suzan était agitée, avait des troubles d'attention, était entêtée, aimait rire et ne prenait rien au sérieux contrairement à la terne et puritaine Aiglantyne. Piteuse, Suzan racontait souvent qu'Aiglantyne l'attachait à sa chaise haute et promenait sa fille dans le jardin au bout d'une laisse liée à la corde à linge, devant la consternation des voisins. Suzan se rendait compte que sa haute taille en tant qu'enfant était vue comme un handicap ou plutôt comme une tare obsène par sa mère : «Tu peux pas êt' grande quand t'es une fille» lui lançait-elle. L'enfance de Suzan fut donc vécue sous la forme d'un rejet avec un manque criant de tendresse et sous la gouverne autoritaire et haineuse d'une femme qui ne l'aimait pas ou le démontrait que très mal.

Adolescente et jeune adulte, Suzan aiguisait ses grands talents en devenir : la provocation, le sens du spectacle et la mobilisation des ressources menant à la vengeance. Suzan prit des mauvais plis pour plus tard : déterminer qui est l'ennemi et poursuivre le combat jusqu'au tombeau. Sa vie était orientée pour sa vindicte envers sa mère. Suzan mettait tout en œuvre pour mettre Aiglantyne à bout de nerfs : «j'voulais y'en faire baver comme ah me hn'a  fait baver» racontait Suzan à ses enfants. L'affront peut-être ultime fut de «tomber enceinte de Faniev» et de ne pas vouloir divulguer l'identité du père. «C't'enfant-là yh va êt' juste à moi, pis j'vais yh donner tout l'amour qu'j'ai po eu. Faniev c't'un enfant que j'désire tell'ment» racontait volontiers Suzan. Durant sa grossesse, à la suggestion de Granpapapaul, Suzan vint ré-habiter dans la maison familiale. Au souvenir de Faniev et à la grande surprise de Suzan, Aiglantyne, désormais Granmamantyne, fut empreinte de tendresse pour la très jeune Faniev. Suzan n'avait toutefois pas enterré la hache de guerre avec sa mère et quitta la maison avec bébé Faniev pour des raisons de tensions palpables entre les deux femmes.

Ensuite, en ligne droite dans le temps, grâce au magnétisme cosmique, une Suzan et un Robahir, lui aussi adopté, se rencontrèrent. Malgré son bonheur nouveau, selon toutes vraissemblances, enceinte de Piayeluc, Suzan n'avait pas oublié les velléités vengeresses inscrites dans sa programmation. Au grand dégoût et devant l'incrédulité de Robahir qui avait fait la paix avec le concept de l'adoption, Suzan soufflait de toutes ses forces dans de nombreuses flûtes de fête à l'annonce du cancer de sa mère. Festival de la mort, le boureau va mourir, Suzan auparavant en laisse était maintenant en liesse. Après vinrent les accrochages certains à l'hôpital avec Mononkpiaye et Granpapapaul qui furent les tristes témoins d'une Suzan d'hystérie qui s'adressait aux infirmières en insistant : «J'VEUX LA VOIR CREVER! JUSQU'À TEMPS QU'AH RESPIRE PU! J'VEUX M'ASSURER QU'AH SOIT MORTE!».                     


Au chevet d'Aiglantyne


2 commentaires:

  1. Vindicta deliriae cena minus frigida est ?

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  2. @ ceux qui lisent ou connaissent Suzan. Ce soir sur mon blog un intense et émotif billet lacrymal qui a arraché maintes larmes à son auteur. Pleurez, riez le moins possible, aimez vos enfants, mais surtout comprenez Suzan.

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