vendredi 12 novembre 2010

Populisme américain

YAY!! Waving Sarah
Aux states, prenons le thé avec Sarah Palin, une amie qui nous paraît proche et conviviale telle une mère du West Island qui va porter ses enfants au club de soccer Lakeshore dans son Range Rover. Assoyons-nous quelques minutes avec cette femme politique maintenant associée au mouvement Tea Party qui fraie quelquefois avec le Parti Républicain et quelquefois avec l'impressionnant réseau de milices pro-fusils, pro-fétus et pro-jésus (généralement et curieusement les trois vont ensemble et paraissent indissociables). Demandons-lui la raison de cette association : Pourquoi, Sarah, buvez-vous de ce thé? Nous savions déjà que vous étiez sympathique à ces causes et légèrement dévote de votre personne, mais vous surfez maintenant sur la vague d'insatisfaction populaire et vous incarnez ce mouvement décrié comme étant anti-establishment, vous, candidate colistière en 2008 pour la vice-présidence des États-Unis! Êtes-vous comme ces gens réclamant un retour puriste à la Constitution originelle menant à une présence amoindrie du gouvernement dans les affaires sociales et économiques? Êtes-vous populiste, Madame Palin?

Pour déterminer le populisme émanant de la personnalité politique de Sarah Palin et du mouvement Tea Party il faudra associer quelques mots fétiches de cette idéologie et vérifiez si ces mots collent bien à notre tandem. En fait, excusez l'exercice un peu futile, car, selon moi, c'est une blague de demander si Tea-Palin sont populistes : l'évidence vous viendra peut-être aux yeux avant la fin de ce texte, c'est l'objectif. Nous allons tout de même nous prêter au jeu et regarder la liste des vocables clés du populisme fournie dans le #1042 du Courrier International en page 63.

Amour

Voyez le mot plutôt comme s'il était accompagné de son antithèse logique. On le dit souvent : amour-haine. Le populisme est en fait «amour» qui porte à la «haine» de ce ET ceux qui ne sont pas inclus dans ce qui sera désigné ici le «projet commun». Donc ce projet cher aux yeux de groupe encourage la haine envers les non-adhérents.

 Notre tandem Tea-Palin est en fait amoureux de l'Amérique («des states» plus familièrement) et font du patriotisme leur chasse-gardée. Dans leur appropriation quasi exclusive du concept de patriote et d'amoureux de l'Amérique, ils rejettent donc l'autre Amérique, celles des Démocrates (qu'ils appellent volontiers «Liberals») leurs démons qui causent tous les maux dont souffre le pays : chômage, crise économique, sauvetage des banques et des grandes entreprises, dépenses gouvernementales «inutiles» etc. Le Tea Party se pose donc en défenseur des valeurs américaines spoliées par un président «impropre et socialiste» cristallisant ainsi le duo amour-haine caractéristique du populisme.

Chambres

Le populisme est vu comme le résultat d'une déception populaire en ce sens qu'il provient d'une désillusion et d'un déficit de confiance envers les élus qui sont vus comme étant inébranlablement élitistes et corrompus. Les politiques sont en fait inaptes et protègeraient des intérêts qui vont à l'encontre du bon sens («sanity»). Il y a donc une volonté du populisme de renverser cette tendance et d'être un rempart contre la démocratie représentative telle qu'on la connaît aujourd'hui en parachutant la rue («main street») à l'intérieur des murs du parlement.     

En fait, c'est que nous avons pu remarquer dernièrement lors des législatives américaines de mi-mandat qui a vu la chambre des représentants passer aux mains des Républicains avec des militants du Tea Party notoires dans leurs rangs. Concrètement leurs revendications se traduisent mal dans l'environnement législatif des chambres, car ils se réclament comme des tenants du «moins de gouvernement» ce qui laisse les analystes politiques perplexes quant à leur véritable utilité en chambre. Pensons aux balbutiements de Joyce Napier décrivant les nouveaux arrivants du Tea Party en chambre comme ayant des objectifs inconnus à part leur ras-le-bol tous azimuts et cela au sein même d'un parti crédible : le Parti Républicain. Ces politiciens sont en fait des baromètres et représentent non pas les citoyens et l'intérêt commun d'une population, mais plutôt les frustrations sporadiques d'une frange émotive et mobilisée de l'électorat.

Impôts

Les impôts au sens large amènent l'ensemble des citoyens à contribuer pour le fonctionnement de la société et dans le pire des cas, pensais-je,  peuvent être vus par certains individus vexés par la TPS-TVQ comme étant une «pénalité supplémentaire». Cependant, aux yeux des populistes les impôts ne sont ni plus ni moins vus comme un «vol de l'État».

Les Tea Partyers ne sont non seulement pas heureux que leurs impôts finissent dans le ventre des grandes banques ou dans les mains quêteuses des constructeurs automobiles, mais ne sont pas heureux avec le concept de dépenses gouvernementales point. Ils sont issus de franges très conservatrices de l'Amérique de la libre-entreprise. Qui dit libre-entreprise, dit fiscalité au mieux inexistante, dit dérèglementation, dit également non-ingérence gouvernementale dans les affaires des «humbles citoyens»… Il est clair dans leur esprit que l'Amérique fut fondée sur ce schème économique et toutes les formes de fiscalité sont en fait le suppôt de l'État inquisiteur niant la valeur fondamentale de liberté américaine d'origine. Donc oui, l'impôt est un mot clé du populisme et sa vision hautement négative n'échappe au thé aux saveurs de sédition servi en ce moment aux Etats-Unis.

Islam

C'est le mot du lexique choisi par l'auteur italien qui collerait d'avantage aux populismes européens, mais son sens xénophobe et raciste pourrait être appliqué au populisme américain du Tea Party. Effectivement et de façon implicite, le Tea Party est un groupe raciste. La base du mouvement s'appuie d'abord au niveau de chaque État sur des petits groupes d'extrême droite parfois armés qui ont choisi de canaliser le mécontentement économique par une défense de leur propriété par les armes partant de la pensée que «le gouvernement ne peut m'enlever ce qui m'appartient et je dois défendre mes droits et surtout celui de détenir une arme». Ce sont des milices blanches aux visées racistes qui n'hésitent pas à déguiser leur racisme en se disant plutôt «natalistes» en arguant que le président des États-Unis devrait être natif du territoire (ce qu'ils refusent de reconnaître à Barack Obama né à Hawai, pourtant un État de l'union). Les natalistes sont aussi les premiers à s'indigner d'un des prénoms du président actuel : «Hussein»!

Plusieurs ONG et journalistes travaillant sur tout le territoire américain confirment une résurgence, voire une multiplication des groupes de droite radicale et ne se cachent pas pour affirmer que la source de cette agitation réside dans le fait que l'occupant de la Maison Blanche soit de race noire. La question avait alors été posée dans les média américains : Que ferait le gouvernement si le pays était criblé de groupes Afro-américains, armés, suprématistes noirs et anti-gouvernementaux?

Sans doute, le Tea Parti vient capter cette agitation et lance un message non-dit au sujet du facteur racial au Etats-Unis dans cette campagne électorale se faisant le porte-voix populiste de groupes racistes et radicaux.

Liberté

Le lexique le décrit comme «le mot le plus galvaudé par le populisme contemporain». En fait, le message véhiculé par les chantres du populisme vise à rétablir un état ou la liberté prévalait ou du moins une impression de liberté. C'est encore une fois un message ou l'ingérence des élites met un frein à la liberté du peuple.

Nul ai-je besoin d'en dire davantage au sujet des doléances dans un langages orduriers des animateurs d'émissions radio (poubelle) du Tea Party qui clament haut et fort que la constitution des pères n'est pas respectée et que la liberté du citoyen est enfreinte par les lois restrictives du gouvernement dans toutes les sphères de l'activité humaine…(je me demande où étaient ces défenseurs de la liberté quand le Patriot Act a été proposé par George W. Bush et ensuite adopté par le Congrès). La liberté du peuple est à la dérive et un besoin de restauration par la prise du pouvoir est ressenti comme la solution, voire comme la revanche des opprimés.

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Sarah et moi, étions donc en train de boire du Lady Earl Grey quand je lui ai fait part de mon intention de parler du Tea Party et du parfum de populisme qui s'en dégageait. Elle regarda alors nerveusement sa montre et me jura qu'elle devait absolument partir pour prendre ses enfants au club de soccer Lakeshore... Elle affirma vouloir me «reviendre» avec ses opinions sur le sujet une autre fois.  

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