mercredi 1 décembre 2010

Suzanneries - Part VI[ce]

Suzan's Lawless Father-in-law

«Bizniss, bizniss, arrrgent... bizniss, on continue s'pas grave!» répétait Suzan pour décrire son ex beau-père, Papi. «Pis ton père...yé pareil! Bizniss, bizniss, arrrgent. Pour jouer aux fesses?...ça ya l'temps par exemple» enchaînait-elle souvent. Suzan se définissait elle-même comme étant l'antithèse de cette famille lors de son séjour de 7 ans à St-Édouard en étant proche de ses émotions et en voulant profiter des «belles choses d'la vie». Passer du temps à la maison pour «éduquer les enfants, leur donner de l'amour...c'était pas important pour papi» disait-elle. «C'pas juste moi qui le dit à St-Édouard, ton grand-père yé passé à côté de ben des belles choses d'la vie à cause de sa bizniss, pis ya négligé sa vie de famille, pis sa vie d'koupp avec Mamie, pis l'éducation de Robahir pis l'Île-Yann. Y'en a qui disent que c'est à cause de lui que Mamie a l'a eu l'cancer du sein. Moi je l'disais à Robahir que j'voulais pas que ça m'arrive, que j'avais besoin d'amour pis qu'yh fallait pas que j'erfoule mes émotions, mais Robahir, yé pareil comme Papi, bizniss, bizniss...arrrgent.» Tard dans la nuit, c'était sur ce type de discussions que seven years old Piayeluc était gardé éveillé aux côtés d'une always naked Suzan qui, cigarette au bec, expliquait qu'elle avait essayé de «faire prendre conscience à Papi pis à Robahir pis à tout l'monde que c'est pas comme ça que ça marche dans vie.» Logorrhées suzanesques pendant le quasi sommeil du jeune Piayeluc comme si Suzan savait pertinemment que c'est à moitié endormi qu'on inculque la sensibilité émotive et les «belles valeurs» aux enfants. Magnétoscope dans le cerveau, Piayeluc enregistrait toutes les histoires et pouvait les reconnaître lorsque Suzan en prononçait les premiers mots. Faniev était également douée : «Môman! Tu nous l'as déjà conté celle-là!» disait-elle dépassée. Une histoire célèbre de Suzan sur sa vision de Papi était relatée comme suit : «Moi pis Robahir on avait une bizniss ensemble dans cave à maison, pis Papi v'nait nous surveiller pis surveiller les employés, yh v'nait inspecter si toutt était correct...voir si on travaillait comme faut, si on prenait pas de break. Piayeluc t'étais bébé pis fallait qu'Maman ah monte pour changer ta couche, mais Papi yh voulait pas que j'monte pis yh m'disait de pas arrêter de travailler pis qu'un employé allait monter pour changer ta couche. J'veux pas que ça soit un employé qui change la couche de mes enfants dans vie! On m'enlèvera pas ce plaisir-là, dans vie, Kalvinouss (rire exaspéré de Suzan entre deux puffs)! Fack Maman est montée voir si toutt était correct pis changer ta couche pis c'est la belle Faniev qu'yavait quatre ans qui t'avait déjà changé de couche. Ahl avait étendu plein de  ''emmm'' su' l'tapis, ah riait, ah était contente pis fière de m'aider. C'pas grave tsé ah voulait ben faire, j'l'ai pas chicanée, mais c'pour te donner un exemple que Papi yé passé à côté de ben des affaires dans vie pis j'voulais pas vivre par où c'que Mamie est passée pis faire les choses par nous-même pis pas par des employés.» Une autre de ses perles de sagesse face au vice de Papi se racontait ainsi : «Moi pis les employés on allait au restaurant à St-Édouard dans le village prendre un café pis jaser tard le soir après qu'on ait travaillé fort pis Papi yh faisait sa tournée pour savoir où est-ce qu'on était. Yh s'promenait avec son truck comme un fatiquant autour du bloc, yh faisait son inspection, pis yé t'allé mett' son truck d'vant f'nêtre avec ses lumières dans l'restaurant comme si yh nous disait ''rentrez vous coucher pour travailler pis êt' en forme demain''. Fack là, Marjeuleine qui travaillait pour moi pis ton père a s'est mis d'vant f'nêtre pis ah l'a levé son chandail pis a l'a montré sa brassière d'vant Papi. Ah yh disait dans l'fond : ''Qu'hein Papi! Laisse-nous tranquille pis va t'en chez vous''. Pis Papi ya compris qu'on voulait la paix pis qu'on voulait du temps pour jaser ent' femmes pis yé parti.» Défiance de Suzan! Elle était particulièrement fière de la suivante qui s'inscrivait selon elle dans une ligne où toutes les femmes de la famille disaient qu'elles en avaient assez de se faire parler de ''bizniss'' par un Papi-calcul et un Robahir voulant plaire à son père : «Fack là on mangeait chez Mamie pis Papi, pis Papi pis Robahir parlait à chaque bout d'la tab. Papi demandait à Robahir : ''t'as tsu été porter l'chargement à St-Rémi? T'as tsu payé le gars d'St-Rémi. Combien qu'yh chargent pour des deux par quat' chez Marcil?". Pis là t'avait ta tante l'Île-Yann qu'y'avait commencé à jouer de l'orgue pour gagner des sous, qu'y'essaiyait de raconter sa journée pis de dire que ça l'allait ben son affaire d'orgue pis de jouage d'orgue din' restaurants. Papi pis Robahir yh l'écoutaient pas pis ça yh faisait ben d'la peine pis ça faisait ben d'la peine à Mamie que Papi passe à côté de l'Île-Yann pis qu'yh parle juste de bizniss, bizniss, arrrgent, bizniss avec ton père. Fack Maman ah coupé la parole à Papi pis Robahir pis ahl'a dit à l'Île-Yann en r'gardant dehors : ''Yh fait beau hein?''. L'Île-Yann ah tsu suite compris c'que Maman ah voulait dire pis ah l'a répondu qu'yh faisait beau aujourd'hui. Pis après l'Île-Yann ah'l a r'gardé Mamie pis Mamie en regardant son assiette, pis ah était triste, ah répondu : ''Oui yh fait ben...ben beau!''. Papi pis Robert yh regardaient dehors pis yh comprenaient pas pis à m'ment d'nné sont v'nus à bout de comprendre qu'yh nous avaient mis d'côté.» Une Suzan féministe et valeureuse qui redonnait la juste place aux cuisinières à la table des hommes.
L'Île-Yann means bizniss too

   
Dans un désir manichéen des choses Suzan racontait ses histoires et, consciemment, avait donné à Piayeluc le choix de se conformer à des règles morales et de s'éloigner du mal campé par sa famille paternelle s'il en était capable : «faut qu'tu prennes du temps pour profiter d'la vie, faut qu'tu jouze franc-jeu dans vie, faut pas que tu sois comme ton père pis que tu contes des mentries». Suzan portait en fait le masque de la bonté et incarnait les valeurs-mêmes de famille alors que Robahir et sa suite, perfides et menteurs, n'étaient que des personnages de fable pour faire comprendre à Piayeluc et Faniev les vicissitudes qui les attendaient dans la vie.

1 commentaire:

  1. @ ceux qui fidèlement lisent Suzan : une suite curieuse de la série dans laquelle vous vous pratiquerez à lire la prose en langue du Québec, la langue de Suzan. Suzan dans son parlé bien vivant et empli de fumée "d'sigarette" vous raconte les valeurs de la vie : celles qu'elle a inculquées à "Faniev pis Piayeluc".

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