mardi 21 décembre 2010

Suzanneries - Part XVI

Mother Daughter 1 - Cold Beef




«J'leur parle! Ouiiii vous êt' belles! AHH si t'es belle ma cocotte» confiait Suzan en toute conscience humoristique aux visiteurs de sa maisonnée. Suzan professait une tendresse toute spéciale aux végétaux dont elle avait soin. De par son allure somptueuse, le salon de notre bonne Suzan était le jardin botanique officiel du Bien-être Social. Diverses pousses de plantes y croissaient dans des pots de yogourt entremêlés d'acrostiches de lianes partant dans toutes les directions. La douce Suzan en coton ouaté, cigarette tantôt à sa bouche tantôt entre ses doigts, s'occupait diligemment de «faire prendre les bébés plantes» pour ensuite les transplanter dans de plus grosses jarres. Une attention particulière qui ne manquait pas de soulever des questions sur le trop-plein affectif dont Suzan était vraisemblablement la victime. Suzan était AMOUR pour ses enfants qui représentaient dans ses bras, sa seule réussite, voire sa seule raison. Suzan aimait couvrir ses enfants de caresses et de baisers. Le jeune Piayeluc, plus sensible, adorait la bonne Suzan sans limite et ne se faisait pas prier pour lui sauter au cou à toute occasion. Toutefois il n'en était pas de la sorte pour la belle et dodue Faniev, la jeune fille n'ayant jamais été versée sur la démonstration affective. Responsable en tant que mère subsidiaire de la famille, la jeune Faniev avait vite fui le jupon protecteur maternel pour ne plus jamais y revenir et cela, à la grande déception de Suzan.


''Heart Wall Breaker'' - 
Suzan's weapon against cold hearts -


(Hitler's supporters during
American carpet bombing of Berlin, 1945 :
Unsere Wände sind gebrochen,
aber unsere Herzen nicht)

«C'est quoi le gros trou dans l'mur juste au d'ssus du lit à Faniev, Maman?» demandait un Piayeluc inquisiteur devant le gypse défoncé de la chambre de sa sœur ainée. «C'est Maman qu'y'était fâchée pis ah l'a lancé l'biblot dans l'mur!» répondait simplement Suzan. Après d'autres questions, Piayeluc se fit expliquer que l'éléphant en porcelaine avait été jeté tout près de Faniev à cause que celle-ci avait repoussé une tendre Suzan qui venait lui donner un «bec de bonne nuit». On n'approchait pas Bidoune pour la tendresse et Suzan, bien malgré elle, montra à sa fille la peine que ce rejet représentait pour elle. «Non! Ça marcherra pas d'même» devait penser Suzan en colère lorsqu'elle lança le pachyderme en projectile. À l'instar des reliquats de l'éléphant en porcelaine, le cœur d'une mère était désormais en éclats de vitre devant un autre de ses nombreux abandons.




''Tough Love my Bidoune'' - 
Faniev's rejection of maternal love
L'humeur de Faniev à l'adolescence était directement comparable à celui d'un taureau biscornu fraichement libéré dans un rodéo. Sa mère, notre bonne Suzan, n'étant pourtant point matador ni cowgirl, recevait souvent des réponses semblables à des beuglements lorsqu'elle s'adressait à Faniev. Connaissant le tempérament de Suzan au combat, aucun vivant ne se serait aventuré à la défier dans un corps-à-corps verbal, sauf peut-être Faniev-brutalité. Brutale était en effet l'adolescente avec son jeune frère Piayeluc, aussi connu universellement à travers le Royaume de Lachine sous le sobriquet évocateur de «p'tsite tapette». Suzan intervenait souvent contre l'abus dictatorial et violent que Faniev-athlète servait à son frère se défendant en décochant des incantations ou des anathèmes dans sa langue inventée. Faniev voyait donc Suzan-la-Juste comme une arbitre au jugement biaisé ce qui n'aidait pas à un rapprochement mère-fille. Faniev eut donc une adolescence rebelle peut-être à l'image de celle de sa mère. Dans tous les cas, Faniev ne manquait pas d'audace en parlant d'une voix douce à ses camarades de Dalbayvio et en envoyant un «char de marde» en direction suzanesque dans la même et unique phrase. En vedette célébrissime au secondaire, elle levait ainsi les yeux de ses nombreuses lettres d'amour envoyées et reçues par le tout Dalbayvio pour invectiver sa mère, pour lui roter magistralement en plein visage ou pour lui péter sauvagement dessus. Qui à Lachine n'assistait pas aux burlesques opérettes d'éructations et de flatulences de Faniev? Au grand désarroi de Suzan, sa fille pouvait tenir un borborygme pendant plusieurs secondes. La truie d'outre-tombe qu'était Faniev se faisait souvent questionner par sa mère à se sujet : «Tsü rotte-tsü d'mahim devant les mères de tes amies?». Ce à quoi la célèbre Faniev répondait invariablement : «Oui, pis yh trouvent çâ drôle!». Peut-être la vengeance de Suzan n'avait-elle pas de nom ou était déguisée derrière son semblant d'innocence. Tout spécialement lorsqu'elle canalisait ses énergies à parler contre les amies de sa fille à des tiers : «Praçalahn ahl'a une bouk d'oreille dans l'nez. Barbane, elle, est nourrie au chimique pis ah fait d'l'anémie c't'enfant-là! Ah donne pas d'heure de rentrée à sa mahire pis ah yh dzi même pas quand qu'ah rente pas coucher!». Les amies de Faniev devenaient donc des cibles assurément faciles pour une Suzan en quête d'une correction punitive tombée du ciel. Une vacherie ou un acte manqué glorieux en ce sens fut relaté longuement dans les sourates de Lachine alors que Barbane, l'amie de Faniev en question, appela à la maison suzanesque :


«Ouin, Fahni siouplè, lança rapidement l'adolescente malnutrie.
- C'est qui est-c'qui parrrrle, demanda Suzan grandiloquente en cérémonie.
-C'est Miliçâ, rétorqua nerveusement la pré-pubère.
-Ben tsü rappellerrras quand tu dirrras ton VRAI NOM, cria Suzan. VLAM raccrocha-t-elle.».

Au passage, notons ici que la jeune fille en question s'appelait bel et bien Miliçâ mais arborait son nom de famille en toute circonstance : Barbane. Ce fut donc une Suzan au possible innocente qui feignit de croire que, de façon abjecte, cette jeune adolescente de Lachine portât l'hideux prénom de Barbane et qu'elle mentît sur son identité pour pouvoir subrepticement s'adresser à Faniev au téléphone. Faniev ne manqua pas d'admonester sa mère en lui criant à la tête tous les synonymes du mot idiote : quolibets dénominatifs que notre Suzan arborait sur sa tête comme une ânesse digne et triste en les répétant mot-à-mot de façon lyrique : «Ben oui! C'est ça! Ta mère s't'une ostie d'conne». Gorgées suzanesques de détresse ravalées...      

1 commentaire:

  1. @ ceux qui lisent Suzan avec leur police d'assurance vie entre les mains. Ce soir telle que demandée en prière aux Jésuzes, la suite 16 des Suzanneries. Le billet tragique #1 de l'amour d'une mère pour sa fille. Pleurez, constatez la détresse des vivants et enfantez au féminin!

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